En Février, la Cour des comptes a publié son rapport annuel 2011 dont une partie est consacrée à l’insuffisante utilisation du Chômage partiel.
L’enquête de la Cour des comptes est fondée largement sur une démarche de comparaison internationale notamment avec l’Allemagne, l’Italie et la Belgique.
Il est toujours intéressant de s’inspirer de ses voisins européens, tels que l’Allemagne, de ses bonnes pratiques mais ne jamais oublier que sa politique de l’emploi est différente et sa population est vieillissante.
Selon la Cour des comptes, les retombées en matière d’emploi ont été modestes et l’utilisation des périodes de chômage partiel à des fins de formations des salariés, difficile à mettre en œuvre, est restée marginale.
En 2009, les dépenses affectées au dispositif du chômage partiel ont ainsi été en France dix fois moindre qu’en Allemagne, où elles se sont élevées à 6 millions d’euros.
Le chômage partiel : un outil conjoncturel en France
En France, l’utilisation du dispositif du chômage partiel est différente par rapport à l’étranger.
En effet, en Allemagne et en Italie, des dispositifs différenciés distinguent les situations où le chômage partiel est saisonnier, dans le cadre d’une activité en déclin, structurel, ou tout simplement conjoncturel. Le chômage partiel est l’un des instruments de politique industrielle à la disposition des pouvoirs publics et représente 85% des indemnisations en Allemagne.
Durant la crise économique de 2008, la France, qui dispose pourtant d’un système public d’indemnisation du chômage partiel depuis très longtemps, ne l’a paradoxalement pas davantage utilisé que des pays qui ne l’ont créé qu’en 2008 pour faire face à la crise (cas de l’ensemble des nouveaux états membres de l’Union européenne, mais aussi des Pays-Bas et de l’Autriche). Les pays qui disposaient d’un système ancien d’indemnisation du chômage partiel (Allemagne, Belgique, Italie) l’ont mobilisé en général dans des proportions bien supérieures à celles observées en France.
En outre, les évolutions apportées à l’indemnisation du chômage partiel n’ont pu s’appliquer que trop tardivement au regard de la dynamique très rapide de la conjoncture : en particulier, le nouveau mécanisme de l’APLD n’a pas pu être véritablement mis en œuvre qu’à partir du 3ème trimestre 2009, après le paroxysme de la crise, à un moment où les entreprises avaient déjà commencé à avoir moins besoin de recourir au chômage partiel.
Le nombre de bénéficiaires d’indemnités de chômage partiel a fortement augmenté dès le dernier trimestre 2008 pour culminer en 2009. Au total 78 millions d’heures de chômage partiel ont été effectivement payées en 2009, contre seulement 4 millions en 2007, soit vingt fois plus.
En Allemagne, le pic d’utilisation du chômage partiel a également été atteint au deuxième trimestre 2009. En revanche, l’ampleur de la mobilisation constatée dans les deux pays a été très différente : les 275 000 salariés français en chômage partiel au deuxième trimestre 2009 doivent être ainsi comparés au 1,53 millions de bénéficiaires allemands à la même date.
Les raisons de ce faible recours au chômage partiel en France
Le chômage partiel est faiblement attractif pour les entreprises. Le montant des aides publiques aux entreprises autorisées à recourir au chômage partiel est plus faible en France que dans la plupart des pays européens comparables : les employeurs français, s’ils peuvent être exonérés de toute participation dans certaines configurations de recours à l’APLD (salariés rémunérés au SMIC en chômage partiel de plus de 50 heures), gardent à leur charge, dans les cas les plus courants, un quart, et potentiellement jusqu’à la moitié, de la charge de l’indemnisation.
Or en Allemagne, la participation de l’employeur a été réduite à seulement la moitié des cotisations de sécurité sociale pendant les six premiers mois et celles-ci sont intégralement prises en charge à partir du 7ème mois, ou lorsque le salarié participe à une formation. En Italie, la situation est proche de celle de l’Allemagne puisque la contribution des entreprises se limite à une partie des cotisations de sécurité sociale (sans limitation dans le temps). En Belgique, le coût de l’indemnisation n’est pas à la charge de l’employeur, de même qu’au Pays-Bas où seuls les coûts de formation lui incombent.
Par ailleurs les entreprises françaises supportent également la charge de trésorerie induite par le décalage entre le paiement des indemnités aux salariés et leur remboursement partiel par l’Etat, lorsque dans plusieurs pays européens dont l’Allemagne et l’Italie, cette charge de trésorerie est inexistante, les indemnités étant directement versées aux salariés par la puissance publique.
L’utilisation relativement modeste du chômage partiel en France durant la crise récent peut être rattachée à différentes causes, notamment liées à l’évolution de la réglementation du marché du travail et à des mutations structurelles de l’économie, mais aussi aux caractéristiques même d’un régime qui apparaît moins incitatif pour les entreprises qu’à l’étranger.
Les entreprises françaises ont abordé la crise de 2009 avec des possibilités de flexibilité (annualisation du temps de travail, possibilité de recours à des journées de RTT), qui n’existaient pas une décennie auparavant et qui ont pu se substituer, au moins dans un premier temps, au chômage partiel lorsque les effets de la crise sont devenus perceptibles.
Par ailleurs, le chômage partiel était essentiellement utilisé par le secteur industriel, il n’est donc pas étonnant que la France y recourt moins que ces pays. La France fait désormais partie des 5 pays de l’Union européenne où la part de l’emploi industriel est la plus faible, loin derrière l’Italie (28%) ou l’Allemagne (25%).
Difficile articulation entre chômage partiel et formation
L’articulation entre chômage partiel et formation est difficile à mettre en œuvre dans la pratique. En effet, elle s’inscrit dans un cadre juridique particulièrement complexe du fait du cloisonnement entre les financements de la formation professionnelle selon qu’ils sont destinés à des formations effectuées pendant le temps de travail.
En outre, à la différence de certaines autres prestations chômage, assorties d’une obligation de formation, l’indemnisation du chômage partiel n’entraîne pas de contrainte et est faiblement soutenue par des textes, qui ne la rendent pas obligatoire.
Les heures de chômage partiel étant considérées comme « hors temps de travail », puisque le contrat de travail est suspendu, elles ne peuvent être l’occasion d’actions de formation destinées à l’adaptation au poste de travail : financées par le plan de formation de l’entreprise, celles-ci doivent, en effet, nécessairement être organisées pendant le temps de travail.
Cette situation est paradoxale : le chômage partiel visant le maintien dans l’emploi, les formations d’adaptation au poste de travail devraient en être le complément logique. Mais en l’état actuel de la réglementation, cette combinaison n’est pas possible. Ce n’est guère séduisant pour l’entreprise qui doit assurer le paiement des salaires pendant les périodes de formation, sans préjudice des difficultés d’organisation d’une telle alternance.
Cette articulation entre chômage partiel et formation consiste pourtant en un des apports originaux du dispositif de l’APLD dans une optique de sécurisation des parcours professionnels.
Comparaison n’est pas raison
Selon le rapport de la Cour des comptes, l’indemnisation du chômage partiel est une mesure dont plusieurs exemples à l’étranger ont montré qu’une mobilisation massive peut avoir des conséquences favorables sur le maintien dans l’emploi.
L’OCDE a publié dans ses « Perspectives de l’emploi » pour 2010 une première évaluation de l’efficacité des systèmes d’indemnisation du chômage, dont elle conclut qu’ils ont abouti à la sauvegarde de 221 500 emplois en Allemagne, 124 000 en Italie et 43 000 en Belgique et modestement en France de 18 000. Cette étude montre que plusieurs pays européens ont su mieux que la France, utiliser les ressources offertes par le chômage pour faire face à la crise.
La Cour des comptes préconise, comme en Allemagne et chez nombre de nos voisins, que ce dispositif doit être conçu et utilisé comme un outil pérenne politique de l’emploi à même de sécuriser les parcours professionnels des salariés, sans oublier son importance en tant qu’instrument d’une politique industrielle.
Cependant, comparaison n’est pas raison. Il est difficile de montrer du doigt la France et son faible recours au chômage partiel puisque ce dispositif est différemment utilisé en France dans un contexte des politiques de l’emploi qui lui sont propres et qui ont répondu à posteriori à la crise économique de 2008.
Par ailleurs, l’absence de suivi de l’articulation entre chômage partiel et formation empêche toute comparaison avec l’Allemagne à qui avait été empruntée l’idée de cette possibilité de couplage, en 2009, à 123 400 salariés en chômage partiel pour la formation desquels les crédits du Fonds social européen ont systématiquement été mobilisés.
Aucun dispositif d’évaluation n’a été organisé lors de la création de l’APLD : l’obligation faite aux entreprises de conserver dans l’emploi les salariés aidés pendant une durée double de la convention n’a fait l’objet d’aucun suivi centralisé par le ministère chargé du travail et de l’emploi.
Enfin, en France, la réforme intervenue en 2009 est manifestement arrivée trop tard pour avoir un impact significatif sur l’emploi et ses difficultés d’application appellent des aménagements pour les contreparties en termes d’emploi et de formation.
En tout état de cause, suite à la publication du rapport de la Cour des Comptes, la réglementation de l’indemnisation du chômage partiel en France n’a pas fait l’objet de modification lors des négociations de la nouvelle convention d’assurance chômage.
On prend les mêmes et on recommence…
Cour des comptes : Rapport annuel public 2011
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